En voyage dans ma maison

Le 28 avril 2021

J’ai cherché partout la vie dans la ville
Partout

J’ai épié la pelouse verdoyante
les mauvaises herbes sur le bitume
la mousse des canalisations
les jonquilles des ronds-points
la majesté des arbres
l’horizon entre les immeubles
l’éclat blanc et magnétique de la lune
les nuages zigzaguant
l’odeur enivrante de la pluie tombant sur le bitume
Partout j’ai voulu voir la nature
Pour me sentir vivante
libre
en phase avec les saisons
le soleil

Mon cœur s’est fendu à la vue d’une avenue sans arbres
de hauts immeubles cachant l’horizon
des bouts de ciel
avec des nuages gris pour seule consolation.

J’ai cherché partout la nature
J’ai souhaité si fort que les fleurs reprennent leurs droits sur la ville
Car c’est aussi leur monde
le mien
le nôtre

J’ai cherché, cherché
Je me suis épuisée
désespérée
Ma gorge s’est serrée de tristesse
Car dans la ville, les chants des oiseaux sont couverts par le lourd ronflement des moteurs
Leur odeur grise
Je préfère les vertes odeurs.
Mais à chercher, chercher, je me suis perdue
égarée
Les villes grouillent de « nature »
Elles grouillent de femmes, d’hommes
Les villes, c’est une fourmilière à taille humaine

Je cherchais la nature alors qu’elle était devant moi
Dans la file de la caisse
dans le métro
sur le trottoir
dans la cage d’escalier
La nature est partout dans les villes
La nature, c’est nous
J’ai oublié que la nature, c’est moi

J’ai cherché partout la nature mais elle bat dans mon cœur
Je suis le faon des villes
C’est devenu mon habitat naturel
Je suis la nature
La prochaine fois que je la chercherai, je contemplerai en moi l’herbe verte
Je sentirai le vent saluer les poils de mes jambes, dansant au rythme des rafales
Je regarderai mes yeux suivant du regard les passants, les voitures, comme un chat
ou une vache
Je toucherai mon ventre gargouillant à la recherche de la meilleure quiche de la ville
Je sentirai ma langue se délecter de la glace fior di latte
mes jambes enjamber les bandes blanches du passage piéton
mes pieds cherchant à tout prix du gazon à fouler
mes poumons avides de se gonfler, flairant une parcelle d’air frais
mes mains saisissant le ticket de train

Je contemplerai toutes les merveilles de la nature en moi
et chez les autres
Avant de partir pour le dernier road-trip à la mode

Je parcourrai les chemins de mon corps
de nos corps
Je comprendrai les dédales de mon cerveau

Et même dans la ville la plus polluée, je transporterai toujours dans mon baluchon un brin de nature
Le baluchon, c’est mon corps
c’est chez moi
c’est ma maison

Il y a plusieurs portes d’entrée
les sons
les regards
les touchers
les respirations
les goûts

Je me délecterai de l’air de chacun de nous
Et je partirai en voyage

Ouf ! J’aurai vu la nature
La vraie ?
La nôtre
Celle qu’on ne prend jamais le temps de regarder
Du tourisme dans la pénombre des corps
dans la chaleur des cœurs
Allons-y !

Milo

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